Paris 2024 : premiers jeux alignés avec l'Accord de Paris ?
C’est l’une des promesses du Comité International Olympique. Formalisé par l’Agenda olympique 2020, il s’est engagé à « devenir une organisation neutre en carbone et à impact positif sur le climat d’ici 2024 ». Un grand défi que le Comité Paris 2024 était prêt à relever.
Dès 2016, les organisateurs de Paris 2024 ont créé un Comité d’Excellence Environnementale pour affirmer la prise en compte des enjeux environnementaux comme prioritaires. Ils se sont appuyés sur l’expertise de l’association WWF pour définir la stratégie environnementale de la candidature et en assurer la présidence. Paris 2024 souhaitait démontrer sa volonté sincère de s’inscrire dans la lignée des Jeux de Londres 2012 en utilisant majoritairement de sites déjà existants, en construisant des infrastructures qui répondent aux besoins des territoires, et en développant de systèmes de transport performants.
La candidature de Paris 2024 reposait sur 3 axes majeurs :
- La sobriété : En utilisant majoritairement de sites déjà existants (70%) et en créant des infrastructures qui répondent aux besoins de développement des territoires (c’est-à-dire qui auraient été construits indépendamment de l’organisation des jeux)
- La compacité : 80% des sites parisiens seront situés dans un rayon de 10km du Village Olympique et 85% des athlètes seront hébergés à proximité des sites de compétition
- L’objectif de réduction global des émissions de 55% par rapport à celles des jeux de Londres 2012 grâce à des actions spécifiques :
- Principes de construction bas carbone
- Augmentation de la part du train, des transports en commun, des véhicules électriques et des modes actifs pour les déplacements des spectateurs, des athlètes et des délégations
- Réduction de 50% de la part de viande dans la restauration par rapport à la consommation moyenne en France en 2016 et zéro gaspillage alimentaire
- Mise en œuvre d’achats responsables pour réduire l’empreinte carbone des objets promotionnels, des produits dérivés et des supports de communication
- 100% d’approvisionnement électrique issu des énergies renouvelables et de récupération pendant les Jeux
Ainsi, le comité de candidature promettait d’atteindre cette réduction globale des émissions grâce à une réduction de 75% de l’impact carbone de l’organisation en amont des Jeux, par rapport à ceux de 2012.
Source : Les recommandations du WWF pour les premiers jeux alignés avec l’accord de Paris
La durabilité : un défi qui semble difficile à tenir...
Le budget carbone prévisionnel déclaré par le comité organisateur et à ne pas dépasser est de 1,5 mteqCO2. Un objectif chiffré qui permettrait aux Jeux de Paris 2024 d’être aligné avec les objectifs climatiques mondiaux s’il est bien réalisé. Mais comment s’assurer de la bonne réalisation du budget carbone annoncé ?
Dans son rapport sur l’impact carbone des Jeux de Paris 2024, Carbon Market Watch souligne les erreurs méthodologiques réalisées par les organisateurs. L’alignement avec les Accords de Paris semble vivement compromis... On vous explique. 🔽
Erreur n°1 : Une grande partie des données utilisées sont aujourd’hui invérifiables en l’absence de leur publication. C’est le cas de l’empreinte carbone de la construction des infrastructures déjà réalisées. Les données seront-elles communiquées à la fin des Jeux ?
Erreur n°2 : Nous n’avons pas à disposition toutes les données concernant la méthodologie de calcul utilisée pour les Jeux de Paris. Sans ces données, il est inconcevable de comparer l’empreinte carbone des Jeux de Londres 2012 avec ceux de Paris 2024.
Erreur n°3 : Le Comité organisateur des Jeux indiquait que l’objectif d’émissions maximales de 1,5 millions de tonnes de GES était compatible avec l’Accord de Paris (limiter le réchauffement à 1,5°C par rapport à l’ère industrielle et atteindre la neutralité carbone en 2050). Mais à ce jour, ils n’ont toujours pas donné d’explication pour parvenir à cette conclusion.
Erreur n°4 : L’empreinte réelle des Jeux de Paris 2024 n’a pas encore été rendu publique, à ce stade. C’est le comité d’organisation des Jeux qui est chargé du calcul de l’empreinte, sur la base d’une méthodologie publiée par le CIO en décembre 2018. Il aurait été recommandé d’avoir recours à un acteur tiers et indépendant pour la réalisation de l’empreinte carbone des Jeux, afin de garantir le respect de la méthodologie, la transparence et la véracité des allégations.
Les crédits carbone pourraient-ils être la solution pour des Jeux durables ?
Nous avons vu plus haut que la réduction des émissions de GES pour atteindre le budget carbone annoncé n’était pas gagnée. Se pourrait-il que les Jeux tiennent leur promesse de durabilité avec des crédits carbone ?
Pour commencer, l’achat de « crédits carbone » ne permet pas de réduire les émissions de GES d’un événement, d’une organisation, d’une entreprise etc. Il s’agit d’investir dans des puits de carbone (naturels ou artificiels) qui absorbent les émissions résiduelles, qui ne peuvent être évitées ni limitées. On parle de compensation carbone.
Paris 2024 s’est ainsi engagé à compenser l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre des Jeux en finançant des projets en France et à l’international, telles que la restauration et la conservation de forêts et d’océans. Dans un communiqué de presse en date du 16 mars 2024, les organisations des Jeux de Paris se sont même engagés à devenir le premier grand évènement sportif à compenser plus d’émissions de carbone qu’il n’en émet, devenant ainsi « les premiers Jeux à contribution positive pour le climat ».
Cependant, la réalité des crédits carbone est souvent bien éloignée des projets à impact positif pour le climat. Pour rappel, il s’agit d’un système d’échange de droits à émettre des gaz à effet de serre. Cela permet aux porteurs de projets de réduction ou de séquestration de recevoir des crédits carbones et de les revendre sur un marché économique. Paris 2024 a ainsi mentionné un budget de 15 million d’euros d’investissement en crédits carbone, pour un montant de 10€ par tonne de CO2, soit bien moins que le prix de la tonne carbone de l’Union Européenne (estimée à 73€ la tonne en avril 2024). De plus, les projets financés et leur localisation n’a pas été explicitement dévoilée.
Pour la climatologue Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du groupe de travail 1 du Giec, les crédits carbone sont problématiques puisqu’ils promettent de compenser un impact négatif sur le climat, sans que leur efficacité ait réellement été démontrée. Selon elle, l’absence d’un cadre suffisamment strict sur ces actions de compensation nuit à la crédibilité de la démarche : « c’est une façon de se donner bonne conscience ».
Est-il vraiment possible d'organiser des Jeux Durables sans toucher à leur modèle économique ? 🤔
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