Le Comité International Olympique (CIO) a annoncé un budget carbone de 1,58 million de tonnes équivalent CO2 (tCO2 eq.) pour les Jeux de Paris 2024. En théorie, cela signifie que l’empreinte carbone totale de l’organisation des Jeux ne dépassera pas cette valeur, en prenant en compte les déplacements des participants, les opérations, les infrastructures, etc.
Mais comment est-il possible que les Jeux de Paris 2024 affichent une empreinte carbone deux fois inférieure à celle des Jeux de Londres 2012 et de Rio 2016 ? Et pourquoi leur empreinte est-elle annoncée comme inférieure à celle des Jeux de Tokyo 2020, qui se sont déroulés en pleine pandémie et sans spectateurs ?
Illustration du budget carbone de Paris 2024.
Vous souhaitez en savoir plus sur la notion de budget carbone ? Découvrez notre guide juste ici.
Mesurer l'empreinte carbone d'un événement sportif mondial 📊
Avec les équipes d’Impakt, nous avons voulu étudier et questionner l’empreinte carbone annoncée par les organisateurs. Nous avons contacté Igor Cornet, consultant climat chez Impakt, pour dresser un portrait global d’un Bilan Carbone type pour un événement sportif. Cette analyse nous permet de mieux comprendre les chiffres annoncés et d’identifier des axes d'amélioration pour les prochaines éditions.
Définir le Périmètre d'Évaluation 📏
Avant de mesurer l’empreinte carbone d’une organisation ou d’un événement, il est crucial de définir son périmètre. Pour les Jeux de Paris 2024, cela inclut tout ce qui est produit, acheté ou utilisé spécifiquement pour l’événement, des trajets des athlètes aux repas consommés par les spectateurs, en passant par les infrastructures sportives.
Intrants, immobilisations, déplacements... de quoi parle-t-on ? 👀
Pour un événement sportif comme les Jeux Olympiques, les trois postes les plus significatifs sont les intrants, les immobilisations et les déplacements. Ensemble, ils représentent 80 à 90 % de l’empreinte carbone.
Intrants :
- Nourriture : Production, transport, préparation et distribution des aliments, où les choix alimentaires jouent un rôle crucial.
- Achats de services : Gestion, nettoyage, sécurité et autres prestations nécessaires à l'événement.
- Achats de biens : Équipements sportifs, uniformes, produits promotionnels, etc.
Immobilisations :
- Stades et terrains : Construction, entretien et exploitation des infrastructures sportives.
- Équipements : Systèmes d’éclairage, sonorisation et autres installations techniques.
Déplacements :
- Visiteurs : Transport des spectateurs, qu'ils viennent en voiture, avion, train ou bus.
- Sportifs : Déplacements des athlètes pour les compétitions et les entraînements.
- Staff : Déplacements du personnel organisateur, des bénévoles, etc.
Comparaison avec d'autres événements sportifs ⚖️
L'exemple du Bilan Carbone d'un club du Top 14. 🐺🔴
Une étude du bilan carbone du Lou Rugby met en lumière la répartition des émissions de gaz à effet de serre selon les différents postes. Les Sponsors et Droits TV représentent la part la plus importante avec 38% des émissions. Les intrants, incluant nourriture et achats de biens et services suivent de près avec 36%. Les déplacements des visiteurs, sportifs et staff contribuent à hauteur de 13%. Les immobilisations, comprenant les infrastructures comme les stades et les équipements, représentent 8%. Les postes de l’énergie, des déchets directs et du fret sont chacun responsables de 2% des émissions, tandis que la fin de vie des produits et équipements n’a pas été identifiée comme un poste significatif dans ce bilan.
L’empreinte carbone de la coupe du monde de rugby en France en 2023. 🏉🇫🇷
« L'empreinte carbone totale de l'événement est estimée à 830 000 tonnes d'équivalent CO2. En attirant des fans de rugby du monde entier, la Coupe du Monde de Rugby 2023 est à l’origine d’émissions indirectes (type 3) qui constituent la majorité de l'empreinte carbone du tournoi : 86% des émissions de gaz à effet de serre (GES) proviennent des déplacements hors de France des visiteurs internationaux. »
Top 3 des solutions pour améliorer la durabilité des prochains événements sportifs. 🌿
Comment réduire les émissions de gaz à effet de serre des prochains Jeux olympiques et garantir l’alignement avec les Accords de Paris ? La réponse réside bien évidemment dans l’analyse de l’empreinte carbone réelle des Jeux de Paris 2024. Mais nous pouvons déjà avancer des pistes d’amélioration pertinentes en se fondant sur le budget carbone annoncé qui met en lumière les 3 postes d’émission les plus significatifs.
1. Et si on limitait les déplacements des visiteurs ? 🚄
Dans une étude intitulée « An evaluation of the sustainability of the Olympic Games”, Martin Muller propose de réduire la taille de l’événement pour limiter le nombre de déplacements internationaux. Une idée séduisante pour l’empreinte carbone mais pas tellement pour les touristes qui se voyaient déjà goûter à la culture du pays hôte et profiter des paysages et des nombreuses activités à faire en plus des épreuves olympiques. Comment satisfaire les spectateurs tout en réduisant les émissions générées par les déplacements ?
Les Shifters proposent de déployer des fan-zones décentralisées.
« Similaire à des festivals de musique, elles permettent aux spectateurs du monde entier d’assister aux retransmissions des épreuves olympiques mais que ! L’objectif est d’aller plus loin, de faire découvrir la culture (culinaire, musicale, historique...) du pays hôte. »
Ainsi, les organisateurs pourraient respecter le budget carbone de Paris en créant 9 fan-zones décentralisées avec 42 000 tCO2eq/fan-zone.
2. Et si on réutilisait systématiquement nos infrastructures ? 🏗️
La France est plutôt bon élève et a su gérer le coût économique/écologique de ses infrastructures sportives d’une main de maître. Que ce soit pour la coupe du monde de rugby ou pour l’organisation actuelle des Jeux de Paris. Mais il s’agirait d’en faire une règle systématique et d’aller toujours plus loin dans la mutualisation des infrastructures. Dans l’étude cité plus haut, Martin Muller suggère d’organiser les Jeux Olympiques dans 2-3 villes maximum pour mutualiser les infrastructures et les réutiliser régulièrement. Cela peut poser des problèmes d’hégémonie culturelle... En revanche, il serait tout à fait souhaitable de définir des critères d’éligibilité et de mettre la réutilisation des infrastructures dedans.
3. Et si on sensibilisait massivement les spectateurs à leur empreinte carbone ? 📣
L’ABC a créé l’outil « Mon empreinte supporter » pour interroger tous les spectateurs qui le souhaitent sur leur empreinte carbone de supporter. Il s’agit principalement de questionner ses déplacements, son alimentation lors des jeux, et le logement qu’il utilise lors des jeux. Son empreinte carbone est donnée et des actions de réduction sont suggérées en moins de 5 min. Ce geste simple peut permettre des changements d’habitude très concrets et à grande échelle.
Diviser par deux c'est possible ! Mais il faut repenser l'organisation des Jeux Olympiques...
L’analyse de l’empreinte carbone des Jeux de Paris 2024 révèle des pistes prometteuses pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. En comprenant mieux les sources d’émissions et en mettant en place des mesures de réduction, les futurs événements sportifs pourront se rapprocher des objectifs de durabilité et d'alignement avec les Accords de Paris. Pour cela, il faut réinventer le monde de consommation de ces événements sportifs, sensibiliser au maximum toutes les parties prenantes et les mobiliser dans la transition écologique : les organisateurs et leurs conseillers, les entreprises sponsors, les spectateurs, les fédérations, les athlètes, les politiques publiques etc...
Bibliographie 📖
https://www.theshifters.org/publications/jo2024-fan-zones/
https://www.youtube.com/watch?v=Asu3TwaUl9M&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info
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